TOUTE LA VÉRITÉ SUR L´ENVERS DU DÉCOR DE LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION

Chez Sinplástico, dès le début il a été clair pour nous, que bien que nous soyons une boutique, un de nos objectif était de lutter contre la surconsommation. Car nous ne sommes que trop conscientes de l’impact de ce modèle de consommation frénétique sur l’environnement et la dignité des conditions de vie de millions de personnes.

C’est pour cette raison que depuis l’année dernière nous fermons la boutique pendant le Black Friday afin de nous opposer à cette date symbolique du consumérisme.(pour en savoir plus à ce sujet n’hésitez pas à consulter ici l’article dédié)

Cette année, nous avons donc, à l’occasion du Black Friday, souhaité donner la parole à une spécialiste de la question : la journaliste Laura Villadiego, spécialiste de la question du travail, des droits humains et de l’environnement. Elle enquête sur l’origine des biens que nous achetons et sur les impacts sociaux et environnementaux des chaînes de production.

 

Pour une personne qui commence à peine à se poser des questions sur l’impact de sa consommation, pourrais-tu nous expliquer quelle est la relation entre la sur-consommation et l’urgence climatique ainsi que sur les inégalités sociales dans le monde.

La relation est très étroite. Si nous analysons les causes de l’urgence climatique et des inégalités sociales mondiales la plupart sont liées à notre modèle productif.

Pendant des siècles nous avons cultivé un rapport Nord-Sud dans lequel les centres de production se concentrent dans certaines zones géographiques. Et les pays « développés » profitent de ce rapport basé sur des inégalités qui perdurent depuis la colonisation.

Avec la crise climatique c’est encore plus flagrant. Toutes nos émissions sont liées de près ou de loin à notre façon de produire et de consommer. Si l’on regarde la consommation d’énergie c’est évident. L’usage des énergies fossiles est la principale cause du réchauffement climatique mais si on décortique ces dépenses énergétiques secteur par secteur, c’est encore plus parlant. Par exemple, l’industrie textile, et en particulier de la mode, est le deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre du fait de l’énergie utilisée par les usines de confection et pour le transport des matières premières. Au final, toutes les chaînes d’approvisionnement fonctionnent de la même façon. Elles sont très longues, elles nécessitent énormément de transport et sont très peu efficientes en terme d’émissions de CO2 car elle sont très gourmandes en énergies fossiles

Ça peut paraître anecdotique quand on achète un t-shirt ou un fruit, mais derrière chacun de ces produits il y a un impact bien plus important que nous ne pouvons le penser.

 

Tu fais souvent référence au fait que l’achat va au-delà d’un simple échange d’argent contre un service ou un produit. Le fait d’acheter quelque chose à une entreprise c’est valider sa façon de produire ?

Je ne pense pas que nous validons ce modèle de production de façon consciente car bien souvent nous manquons d’informations et d’un accès direct à des alternatives plus responsables. Mais ce qui est vrai c’est que c’est notre acte d’achat qui permet que ce système se maintienne.

Je ne pense pas que les consommateurs doivent s’autoflageller lorsqu’ils ne peuvent pas opter pour un achat totalement en accord avec leurs principes mais si possible j’invite les gens à faire un boïcot positif. Le but n’est pas de punir certaines entreprises mais plutôt d’encourager les projets qui proposent des alternatives.

Ce sont ces alternatives qui vont permettre de changer le système car pour qu’il y ait un changement nous avons besoin de nouveaux modèles à suivre.

 

Je me souviens de cette étude qui demandait à un groupe de jeunes ce qu’ils pensaient être nécessaire pour avoir une bonne vie et qui leur posait à nouveau la question 16 ans plus tard. Le résultat c’est que l’échelle des envies c’était décalée. Avant c’était une voiture, 16 ans après : une voiture de sport. En psychologie ça s’appelle l’adaptation hédoniste. En tant que consommatrice, comment peut-on changer le système en commençant par changer nos envies et nos prises de décision ?

Je pense que ces envies se forment dans notre environnement social. C’est à dire que la société nous impose de désirer telle ou telle chose. Et la publicité joue un rôle central dans de système.

Une stratégie qui fonctionne vraiment bien c’est d’éviter de s’exposer à la publicité. C’est difficile d’avoir un regard critique sur les publicités qui nous arrivent et d’être conscients la publicité aujourd’hui va bien au-delà de l’annonce publicitaire classique. De nos jours la publicité est partout. Sur les réseaux sociaux comme Instagram on nous vend des modes de vie qui nous créent des envies et de nouveaux besoins.

Donc prendre conscience que la publicité est absolument partout et que cela à un impact sur nos envies est un très bon début. Apprenons à être critique, à nous demander si ce que nous désirons correspond à un besoin réel et nous permettra vraiment d’améliorer notre quotidien.

 

Tu nous parles du pouvoir de ce qui nous entoure. Pendant le premier confinement de nombreuses personnes ont réalisé du peu dont elles avaient besoin pour vivre. Penses-tu que c’est une tendance qui se maintiendra?

Je ne pense pas que cela va se maintenir parce que le système actuel tel qu’il est construit à besoin que la roue continue de tourner et va tout faire pour que cela continue ainsi. Tous ces questionnements sur si fermer ou non, les bars, les restaurants, les magasins…le plus important c’est que la roue continue à tourner ou au moins qu’elle ralentisse le moins possible.

Et c’est vrai que c’est très compliqué, car c’est le système dans lequel nous vivons actuellement. Si les gens perdent leur emploi, si la roue ne tourne plus, comme nous avons besoin d’argent, énormément de personnes souffriront du fait que la roue s’arrête de tourner.

Notre problème c’est de trouver le moyen de vivre sans que cette roue tourne aussi vite. Parce que ce qui se passe c’est que la roue tourne très vite dans un sens, puis elle s’arrête net et repart dans l’autre sens. Nous vivons en permanence dans des cycles de crise. La roue tourne tellement vite qu’elle sort de son axe.

 

Mais peut-on vraiment freiner cette roue?

Je ne sais pas si nous en serons capables, mais si nous souhaitons le faire, la clé c’est la relocalisation. Nous ne pouvons pas continuer à vivre dans un système où chaque objet parcourt 10.000 ou 15.000 kilomètres et où la spécialisation de chaque secteur et système productif est telle que si un de ces secteurs rencontre un problème c’est la société toute entière qui s’effondre. On l’a vu depuis le début de la pandémie avec le secteur textile, il n’y a plus de commandes et ce sont des millions de personnes qui n’ont plus de quoi vivre.

On le voit aussi en Espagne, un pays dépendant du secteur touristique, c’est l’unique activité d’export de notre pays. Et comme on ne peut plus exporter nos plages et faire venir les touristes étrangers, c’est une grande partie de notre économie qui s’écroule. Si nous continuons de maintenir ce système dans lequel même ce que l’on mange se produit à l’autre bout de la planète il sera très difficile d’assurer une véritable stabilité économique.

Il est donc fondamental de relocaliser et de réfléchir, au niveau régional, où trouver cet équilibre et quelles sont les possibilités de production de chaque région. Il ne s’agit pas de revenir au début du XXème siècle car aujourd’hui nous avons à notre disposition des technologies dont il faut profiter. Mais nous devons saisir la chance de recréer des systèmes productifs plus efficients et à fois plus localisés. Le problème c’est que ces systèmes sont moins rentables et notre économie se base sur la rentabilité et les bénéfices.

 

On parle donc d’une relocalisation et d’une diversification au niveau régional, peux-tu nous donner un exemple.

Oui en général on parle d’un rayon de 60 à 100km. 250 km dans le cas de l’alimentaire. La diversification est importante car, par exemple dans le secteur alimentaire, le système de monocultures qui a régné au cours de 60 dernières années a un impact environnemental terrible.

Et sans une diversification des cultures il sera impossible de récupérer les populations de pollinisateurs. C’est quelque chose dont on a beaucoup parler dernièrement avec la réforme de la Politique Agricole Commune qui a promut pendant des années l’intensification et la concentration des terres qui a mené au développement des monocultures. Ce qui a mené à un effondrement des populations d’abeilles, de rongeurs et d’amphibiens… sans ces pollinisateurs les fleurs ne sont pas fécondées et ne donnent pas de fruits… donc pas d’aliments.

Les études disent que dans probablement 100 ans il n’y aura plus suffisamment de biodiversité en Europe pour pouvoir cultiver de manière naturelle. Il faudra le faire de façon mécanique ce qui beaucoup plus cher, Nous cherchons la rentabilité maximum jusqu’à ce que la roue sorte de son axe et que système s’écroule à nouveau…

 

C’est une pensée à court terme…

Tout à fait, c’est du court-termisme. Ce qui compte c’est le bilan annuel. Le système fonctionne pour qu’à la fin de l’année les investisseurs reçoivent des bénéfices. Et la priorité c’est cette rentabilité, pas la qualité de la production. Ni même la quantité de ce qui est vendu. La priorité c’est la rentabilité que l’on peut offrir aux actionnaires.

On le voit bien dans les grandes entreprises. Par exemple Inditex était une petite entreprise textile qui maintenant détient plein d’entreprises dans d’autres secteurs afin d’augmenter les dividendes de ces actionnaires.

Si la priorité c’est la rentabilité, on essaye de réduire les coûts au maximum parfois au prix d’un secteur tout entier jusqu’à ce qu’il s’effondre (sans souci tant que ce n’est pas un secteur critique).On exploite jusqu’au bout puis on le jette. Et ça, ils le font sur des secteurs entiers de l’économie.

 

Dans notre blog nous donnons des conseils pour aider les gens à réduire leur consommation de plastique et leur empreinte écologique mais parfois nous avons la sensation que ce n’est pas assez . À quelles actions collectives peut-on participer pour aider à changer le système de consommation ?

Je pense qu’une des principales actions que l’on peut mettre en place c’est de rendre visible nos revendications et nos attentes à ceux qui prennent des décisions néfastes pour l’intérêt collectif. Par exemple, le plastique dans les supermarchés : quels sont les supermarchés qui font des efforts sur la question du plastique ? C’est important car les entreprises sont sensibles à ce types de demandes de la part des clients.

Une autre action importante, l’action politique. La revendication auprès des responsables politiques pour que la législation change et que les engagements des entreprises de soient plus une simple stratégie RSE sinon une obligation légale.

On l’a vu avec la législation sur le plastique jetable. Une fois en vigueur elle règle la question. Et c’est ça la clé, pour que les choses changent vraiment il faut que les règles changent. Mais pour y arriver il faut de longue année de prise de conscience citoyenne.

 

Peux-tu nous donner des exemples qui démontre le pouvoir de la communauté pour changer la société de consommation ?

En Europe il y a de nombreux exemples, en commençant pas les AMAP, ruches et autres coopératives de consommation qui raccourcissent les chaînes d’approvisionnement.

Une autre chose très intéressante par exemple ce sont les cantines. Il y a une nette tendance dans de nombreuses écoles à revenir à des sources approvisionnement locales et à une élaboration des repas au sein de l’établissement.

Il y a même des écoles qui mettent en place un potager afin que les élèves connaissent le processus de fabrication des aliments.

 

Et pour finir, que conseillerais-tu à une personne qui se pose des questions sur l’impact de sa consommation et ne sait pas par où commencer ?

La première chose à faire c’est de respirer profondément et de ne pas placer la barre trop haut. Sinon on peut vite se sentir dépassé, penser que c’est trop difficile et finir par baisser les bras. Il faut y aller progressivement.

Ce qui est certainement le plus facile c’est d’identifier quelle partie de notre consommation est la plus importante pour nous et les choses qui sont le plus facile à changer. Fêter chaque petite victoire, ne pas se fustiger si on doit faire un pas en arrière. Parce que parfois on ne peut pas faire autrement ou simplement les alternatives ne sont pas à notre disposition.

Et surtout garder en tête qu’au début ça peut être un peu difficile mais qu’ensuite c’est de plus en plus facile à mesure que l’on prend de nouvelles habitudes.

Merci beaucoup Laura pour toutes ces explications et pour tes conseils.

4 réflexions sur « TOUTE LA VÉRITÉ SUR L´ENVERS DU DÉCOR DE LA SOCIÉTÉ DE CONSOMMATION »

    1. Bonjour, tout d’abord merci d’avoir pris le temps de lire notre article. En réalité Sinplástico livre partout dans le monde sachant que nous tentons toujours d’orienter les personnes qui souhaitent se fournir sans plastique vers les boutiques les plus locales en particulier si elles résident sur d’autres continents. En ce qui concerne la France en particulier, nous sommes située à Bilbao à 120 km de la frontière, mais vous avez raison, on peut faire mieux! C’est pour cela que nous espérons très bientôt monter notre antenne française 🙂 car de plus en plus de personnes vivant en France nous passent commande.

  1. Bonjour, je trouve cet article très intéressant, aussi la réalité dans laquelle nous vivons est très sombre malheureusement…

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